Vertières : Le cri qui traverse les siècles
Le 18 novembre n’est pas seulement une date commémorative inscrite au calendrier haïtien. C’est un symbole universel de résistance, un héritage offert à tous les opprimés, aux peuples noirs, à l’Afrique et à toute l’humanité qui aspire à la dignité. Vertières n’est pas une simple victoire militaire : c’est la rupture définitive avec l’ordre esclavagiste français, l’acte fondateur qui ouvre la voie à la liberté moderne.
En 1803, l’armée indigène, guidée par Jean-Jacques Dessalines, épaulé par Henry Christophe, François Capois dit "Capois Lamort", Alexandre Pétion et d’autres héros souvent oubliés, a livré la dernière bataille contre l’une des armées coloniales les plus puissantes de son époque. Cette victoire a fait de nous le Premier État noir libre du monde. Mais elle a aussi bouleversé l’ordre mondial, faisant d’Haïti un exemple à abattre pour les puissances esclavagistes. Depuis, notre histoire est marquée par une lutte incessante contre les représailles, les ingérences et les chaînes nouvelles.
Le 18 novembre 2025 trouve Haïti au pire moment de son histoire contemporaine. Sous l’emprise d’un triangle infernal composé de la France, des États-Unis, du Canada, d’une bourgeoisie comprador, de mercenaires politiques, de dirigeants corrompus et de gangs armés à la solde de ces intérêts, le pays vit une violence qui n’a rien d’un hasard. Les douleurs qui rongent aujourd’hui le peuple haïtien sont la continuation des représailles contre l’audace de 1804. La bataille de Vertières n’a jamais vraiment pris fin : elle se poursuit sous d’autres formes, plus sournoises, plus destructrices, mais tout aussi réelles.
À ce stade de notre histoire, une interrogation essentielle s’impose, une question que formulait Thomas Sankara avec une clarté tranchante : « Qui est qui ? Qui est avec qui ? Contre qui ? Et pourquoi ? »
Cette interpellation invite à démasquer les alliances, les intérêts dissimulés, les discours trompeurs et les forces réelles qui maintiennent le pays sous tutelle.
Il faut aussi rappeler qu’en 1803, au moment décisif de la lutte pour la liberté, Noirs et Mulâtres avaient uni leurs forces. Leur alliance n’était pas fondée sur des ambitions personnelles ni sur des calculs mesquins. Elle répondait à un objectif commun : détruire l’ordre esclavagiste et construire un avenir digne pour toute la population.
Cette unité historique contraste profondément avec la réalité d’aujourd’hui, où beaucoup d’organisations politiques disent se battre pour les opprimés mais agissent surtout pour leurs propres intérêts personnels, leurs gains politiques et des alliances douteuses.
C’est dans ce contexte que résonne puissamment l’avertissement du Che Guevara : « Celui qui n’a pas le courage de se rebeller n’a pas le droit de se lamenter.»
Dans une nation née de l’insoumission, cette phrase agit comme un miroir. Elle rappelle que la dignité ne vient jamais de la résignation, mais de l’action collective.
Face à ce constat, célébrer le 18 novembre ne doit pas être un rituel nostalgique. C’est un appel à relire notre histoire, à nommer nos adversaires, à reconnaître nos traîtres et à assumer notre responsabilité collective. Vertières nous rappelle que la liberté ne s’obtient jamais par la supplication mais par la détermination. Et si nos ancêtres ont vaincu un empire, alors nous pouvons affronter les forces qui, aujourd’hui encore, cherchent à étouffer la souveraineté haïtienne.
Le peuple haïtien doit rompre avec la passivité. Comme en 1803, il nous faut une vision, une direction, des choix courageux et un leadership qui ne tremble pas devant les puissances qui veulent maintenir la nation dans la dépendance. Vertières n’est pas un souvenir : c’est un programme. Un rappel que la liberté, pour être réelle, exige de l’unité, de la lucidité et un combat permanent.
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