Haïti à la croisée des chemins : quelles options pour le Conseil Présidentiel de Transition ?
Alors que le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) poursuit sa quête de stabilité politique après le départ du Dr Ariel Henry, les choix à faire s’annoncent cruciaux pour l’avenir du pays. Dans une note signée par Me Emmanuel Bissainthe Montas, avocat, politologue et titulaire d’un MBA, une analyse approfondie des pistes possibles est proposée. Entre la légitimité institutionnelle et l’innovation technocratique, les enjeux sont multiples.
Depuis l’installation du CPT, plus d’un an s’est écoulé. Pourtant, le climat de méfiance et l’insatisfaction générale persistent. Pour Emmanuel Bissainthe Montas, plusieurs scénarios se présentent, mais chacun comporte ses avantages et ses risques. Le premier consiste à faire appel à la Cour de Cassation.
Cette option offre une légitimité constitutionnelle, la Cour ayant déjà joué un rôle similaire dans les années 1990 et 2004. Son statut apolitique pourrait renforcer l’image d’un retour à l’État de droit. Toutefois, cette solution est loin d’être sans faille : les juges ne sont pas préparés à exercer le pouvoir exécutif et manquent de compétences en matière de gouvernance. Des tensions internes et des ambitions personnelles au sein même de la Cour soulèvent également des doutes sur sa neutralité réelle.
Une seconde piste envisagée est celle d’un gouvernement de jeunes techniciens et technocrates, plus axé sur l’expertise que sur la politique. Cette approche pourrait apporter une bouffée d’air frais, avec des profils compétents, moins liés aux vieux schémas politiques. Leur pragmatisme, leur orientation vers les solutions et leur potentiel à regagner la confiance du peuple sont des atouts considérables. Cependant, ces acteurs souffrent d’un manque de légitimité démocratique, étant non élus. Leur efficacité pourrait aussi être freinée par un déficit d’expérience politique, les rendant vulnérables aux pressions extérieures, voire aux gangs armés. Pour réussir, cette génération devrait être encadrée par les sortants et bénéficier d’un ancrage renforcé dans les collectivités locales.
Dans le contexte actuel, le CPT devra impérativement faire un choix stratégique pour désigner un nouveau Premier ministre, préparer des élections et construire un pont entre les factions politiques et la société civile. Deux voies se présentent : nommer un magistrat issu de la Cour de Cassation, au nom de la continuité institutionnelle, ou constituer un gouvernement technocratique, accepté par les différents secteurs.
Pour Me Montas, aucune solution unique ne suffit. Il recommande une approche combinée, fondée sur plusieurs piliers :
Un consensus large pour assurer la légitimité du processus ;
Une sélection basée sur la compétence et l’intégrité ;
Un plan clair, avec des objectifs réalistes, notamment en matière de sécurité et de lutte contre la corruption.
Une application rigoureuse de la loi, notamment à travers l’exécution des arrêts de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif contre les dilapidateurs des fonds publics.
Un soutien international mieux coordonné, aligné sur les priorités haïtiennes ;
Et surtout, une réforme de la sécurité publique, mettant fin à l’instrumentalisation politique de la police et des forces armées.
« On ne peut pas avoir un pays avec plus de 200 partis politiques », déclare Me Montas. Selon lui, il faut rationaliser la vie politique, renforcer les écoles de formation républicaines comme l’ENAF, l’ENAPP et le CTPA, et fixer un seuil minimum d’exigence pour accéder aux fonctions régaliennes.
Car au fond, conclut-il, la réussite dépendra de la capacité des acteurs à dépasser leurs intérêts personnels pour servir le bien commun et rétablir un minimum de confiance entre le peuple et ses dirigeants.
Rédigé par Lominy Edmond, journaliste rédacteur pour Voix Libre Info
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