Fermeture du cabinet de Me Caleb Jean Baptiste : entre jalousie, persécution politique et fracture au sein du barreau

 

La décision du Conseil de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince de fermer le cabinet de Me Caleb Jean Baptiste suscite de vives réactions dans le monde juridique haïtien. Pour Me Emmanuel Bissainthe Montas, avocat inscrit au Barreau de Mirebalais et spécialiste en droit des affaires, cette mesure va bien au-delà d’une simple décision administrative : elle soulève des questions sérieuses sur l’éthique, l’État de droit, et l’indépendance de la profession d’avocat.

Alors que le climat d’insécurité et d’instabilité juridique domine à Port-au-Prince, la sanction contre Me Jean Baptiste semble être l’expression d’un malaise profond au sein de la profession. Selon Me Montas, cette mesure ne peut s’expliquer que par une jalousie professionnelle, alimentée par le succès et la notoriété croissante de Me Jean Baptiste dans des dossiers sensibles. « La profession juridique, comme tout autre milieu fermé, n’est pas à l’abri des rivalités internes. Et lorsque l’un des siens se distingue trop, cela peut déclencher des réactions déloyales », affirme-t-il.

Me Jean Baptiste, connu pour son franc-parler et ses engagements citoyens, aurait ainsi attiré l’attention sur des enjeux que certains préféraient garder dissimulés. Cette notoriété aurait pu être perçue comme une menace par certains membres influents du Barreau. En rappelant l’épisode de 2017, lors de l’organisation de la Confédération Internationale des Barreaux à Port-au-Prince, Me Montas souligne que la mise sous silence de certaines vérités avait déjà créé des tensions. « Aujourd’hui encore, dit-il, on veut pour le plaisir de certains, revenir à ce passé honteux et attentatoire. »

Mais l’affaire prend une tournure encore plus grave lorsqu’on l’analyse sous l’angle d’une persécution politique déguisée. Pour Me Montas, la fermeture du cabinet pourrait s’inscrire dans une stratégie visant à faire taire une voix jugée trop indépendante. « Dans un contexte où les avocats sont souvent les derniers remparts de la démocratie, toute tentative de musellement est un danger pour l’État de droit », alerte-t-il.

Cette décision pourrait également fragiliser la solidarité professionnelle, pourtant essentielle au bon fonctionnement du barreau. En imposant une sanction aussi radicale, le Conseil de l’Ordre risque de provoquer une méfiance généralisée entre confrères, alimentant une ambiance de tension et de compétition malsaine. « Les avocats doivent pouvoir exercer leur métier sans crainte de représailles, surtout dans un pays où 90 % de la capitale est mise en quarantaine par la violence. »

Au-delà des considérations personnelles, cette décision du Barreau de Port-au-Prince soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la justice en Haïti. Si les instances professionnelles deviennent les instruments de règlements de comptes ou d’intérêts politiques, c’est toute la crédibilité de l’appareil judiciaire qui s’effondre. « L’on doute en ce sens que la décision soit réellement motivée par le confrère Max Stanley Lafortune », souligne Me Montas. « Il peut encore se défendre, s’il le souhaite, avant qu’il ne soit trop tard. »

En conclusion, Me Montas appelle à une réflexion profonde et urgente. Il plaide pour une réforme du Barreau, un dialogue sincère entre les différentes composantes de la profession, et le respect absolu de la liberté d’expression des avocats. Il rappelle que le décret de mars 1979 accorde à tout avocat inscrit dans un barreau le droit de plaider sur l’ensemble du territoire national, sauf s’il est sous le coup d’une sanction disciplinaire. « Les confrères et consœurs de Port-au-Prince auraient dû conseiller Me Lafortune de ne pas se laisser manipuler par des intérêts oligarchiques », martèle-t-il.

« La confrérie est beaucoup plus importante que les avantages malsains et nocifs. Quel regret ! » conclut-il, visiblement indigné.


 Rédigé par Lominy Edmond, pour Voix Libre Info

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