Crise agraire et insécurité : une longue histoire d’injustice paysanne en Haïti.
De la rançon imposée par la France en 1825 à la domination des gangs aujourd’hui, les paysans haïtiens continuent de subir un système d’exclusion et de violence.
Le 17 avril marque la Journée internationale des luttes paysannes. En Haïti, cette date résonne avec force, alors que les paysans sont une fois de plus les grandes victimes d’une crise sécuritaire sans précédent.
Dans la vallée de l’Artibonite, principal bassin rizicole du pays, les paysans sont aujourd’hui pris au piège d’une guerre qu’ils n’ont jamais choisie. Le gang « BAZ GRAN GRIF» contrôle cette région, paralysant complètement la production agricole. Ceux qui tentent encore de cultiver ne peuvent même pas transporter leurs récoltes vers les marchés, les routes étant verrouillées par les groupes armés.
Et cette situation ne se limite pas à l’Artibonite : dans le Sud, le Plateau Central, le Nord-Est ou encore dans la plaine du Cul-de-Sac, des paysans vivent les mêmes difficultés, entre l’insécurité, l’impossibilité d’écouler les récoltes et l’abandon de l’État. Partout, c’est la production locale qui s’effondre au profit des produits importés.
Pendant que les paysans ne peuvent pas cultiver ni vendre leurs produits à cause de l’insécurité, les produits importés arrivent facilement dans le pays. Cela rend Haïti dépendant des autres pays pour se nourrir et empêche les paysans de nourrir eux-mêmes la population.
Mais cette violence n’est pas nouvelle. Il y a exactement 200 ans, en 1825, la France imposait à Haïti une rançon exorbitante en échange de sa reconnaissance de l’indépendance. D'après professeur Dérinx Petit-Jean, pour payer cette dette les gouvernements haïtiens, à commencer par celui de Jean-Pierre Boyer, ont mis en place un code rural en 1827, destiné à forcer les paysans à rester attachés à la terre. Ce système rigide limitait leur liberté de circulation et les enfermait dans un cycle de pauvreté et d’exploitation.
Aujourd’hui encore, les paysans haïtiens continuent de subir les séquelles de cette domination impérialiste, exercée par des puissances comme la France et les États-Unis, qui ont toujours imposé à Haïti des modèles économiques défavorables à la paysannerie et à la souveraineté populaire.
Pour Camille Chalmers porte parole du parti politique RASIN kan pèp la, les paysans doivent être au cœur des discussions sur la réparation et la restitution. « Ce ne doit pas être une simple commission franco-haïtienne entre élites, mais un espace où les véritables victimes historiques les paysans peuvent exprimer leur point de vue sur la manière dont les fonds doivent être gérés au service de la justice sociale et de la souveraineté populaire. »
Dans ce contexte, Bruno Saint-Hubert, membre l'organisation paysanne TK (tèt kole ti peyizan) appelle à la mobilisation : « En cette Journée internationale des luttes paysannes, nous appelons les paysans de tous les pays à se mobiliser pour exiger de l’État qu’il leur donne des terres pour travailler et mette en place une véritable réforme agraire intégrale. C’est une question de justice, de dignité et de souveraineté. Nous appelons à poursuivre le combat contre le néolibéralisme et toutes les formes de domination économique qui écrasent nos droits, nos terres, notre souveraineté. »
En ce jour de commémoration et de résistance, il est essentiel de rappeler que sans justice pour les paysans, il ne peut y avoir d’avenir durable pour Haïti. Le combat paysan est le combat pour la vie, la terre et la liberté.
Lominy EDMOND, Journaliste rédacteur/Avocat au Barreau de Petit-goâve, Psycho-énergéticien
Adresse électronique: voixlibreinfo@gmail.com
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